Le principe du plaisir vaut plus cher qu’une pipe

Estimée entre 15 et 20 millions de dollars par Sotheby’s, la toile du peintre surréaliste belge a été adjugée le 12 novembre dernier 26,8 millions de dollars (soit 23,4 millions d’Euros) mobilisant 7 collectionneurs; surenchère jusque là inhabituelle pour Magritte.

Un « portrait » lumineux et « Un titre qui devait surprendre »

Portrait d’Edward James, le poète britannique est présenté de face, accoudé à une table, posture jusque là fidèle à la photo prise par Man Ray et dont Magritte s’inspira en 1937. Mais la caractéristique singulière de ce portrait tient au visage éclipsé par un halo lumineux qui efface totalement ses traits. Personnage volontairement auréolé de mystère, Magritte captive et attise la curiosité du spectateur complétant son œuvre par un titre qui « devait surprendre plutôt qu’apprendre ».

Edward James modèle et mécène contrarié

Présenté à Magritte par Salvador Dali dont Edward James grand collectionneur surréaliste fut le mécène, le poète britannique invita le peintre belge à séjourner dans sa résidence londonienne.

De ce séjour deux toiles mettant en scène Edward James virent le jour; la reproduction interdite qui montre le poète de dos dans un jeu de miroir faussé et le principe du désir qui le montre face caché par une boule de feu.

Bien que Magritte avait pour habitude de détourner les traditions picturales s’amusant dans son jeu du portrait à refléter non pas la réalité mais sa pensée en dissimulant par exemple tantôt un visage derrière une pomme (le fils de l’homme) tantôt sous un drap pour sa toile les amants, Edward James resta longtemps hanté par ses deux portraits. Etre confronté à sa seule image sans même son reflet pour discuter perturba le poète mal aimé devenu solitaire par dépit. Lui le romantique qui écrivait ses vers :


          I’m in love with love, but have no lover 
          The days go by and the winds blow over,
          The breeze has brushed the scent from the clover;
          I’m in love with love and i have no lover 
René Magritte - Le principe de plaisir (portrait d'Edward James)
René Magritte - Le principe de plaisir (portrait d'Edward James)
Man Ray (American, 1890–1976) Edward James / 1937
Man Ray (American, 1890–1976) Edward James / 1937

et qui a gardé plus de 40 ans le principe du plaisir au sein de sa collection privée n’aurait surement pas soupçonné l’engouement provoqué lundi dernier à New York auprès de collectionneurs qui voulaient tant le posséder.

René MAGRITTE – La Reproduction interdite, 1937
René MAGRITTE – La Reproduction interdite, 1937

Un heureux collectionneur sous l’influence du principe du plaisir

Magritte visionnaire ? Le peintre belge aurait-il pu également se douter qu’un passionné d’art allait satisfaire sa pulsion consciente ou inconsciente à travers une surenchère compétitive, principe même du plaisir ? Et par la même s’opposer à ce que Freud désignait comme étant le principe de réalité, la déception et l’insatisfaction qu’allaient connaître 6 autres enchérisseurs prêts à débourser plus de 20 millions de dollars pour un portrait qui dérangea autant son sujet.

Un engouement pour l’art qui suscite toujours plus de records

Principe du plaisir qui attire toujours plus de collectionneurs et les incitent à surenchérir pour satisfaire leur passion artistique, bouleversant ainsi des enchères jusque là jamais atteintes.

Hier c’est une toile de David Hockney « portrait of an artist » (pool with two figures) qui a été adjugée 90,3 millions de dollars, remportant le record de vente pour un artiste encore vivant.

Sylvie (Netbuzz)

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